Publié le 27/11/2020  Dans : La vie des entreprises  0 Commentaire   Vu 290 fois

La Commission inflige des amendes de 60.5 millions d'euros à Teva et à Cephalon

La Commission européenne a infligé des amendes de 60.5 millions d'euros aux entreprises pharmaceutiques Teva et Cephalon pour s'être mises d'accord pour retarder l'entrée sur le marché d'une version générique moins chère du médicament de Cephalon traitant les troubles du sommeil, le modafinil, après l'expiration des principaux brevets de Cephalon. L'accord a été conclu bien avant que Cephalon ne devienne une filiale de Teva. L'accord a violé les règles de l'UE en matière d'ententes et d'abus de position dominante et a causé un préjudice considérable aux patients et aux systèmes de soins de santé de l'UE en maintenant les prix élevés pour le modafinil.

Mme Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive chargée de la politique de concurrence, s'est exprimée en ces termes: Il est illégal que les entreprises pharmaceutiques se mettent d'accord pour acheter la concurrence et maintenir hors du marché des médicaments moins chers. Même lorsque leurs accords prennent la forme de règlements amiables en matière de brevets ou d'autres opérations commerciales apparemment normales. L'accord pay-for-delay conclu entre Teva et Cephalon a porté préjudice aux patients et aux systèmes de santé nationaux, les privant de médicaments plus abordables.»

Le modafinil est un médicament utilisé pour le traitement de la somnolence diurne excessive liée en particulier à la narcolepsie. Il s'agissait du produit de Cephalon qui se vendait le mieux, sous la marque «Provigil», et qui a représenté, pendant des années, plus de 40 % de son chiffre d'affaires mondial. Les principaux brevets protégeant le modafinil avaient certes expiré en Europe en 2005, mais Cephalon détenait encore certains brevets secondaires relatifs à la composition pharmaceutique du modafinil, qui visaient à assurer une protection supplémentaire par brevet.

La décision d'aujourd'hui concerne un accord de règlement amiable en matière de brevets par lequel Cephalon a incité Teva à ne pas entrer sur le marché avec une version moins chère du modafinil, en échange d'un ensemble d'accords commerciaux accessoires qui ont profité à Teva et de paiements en espèces. Teva possédait ses propres brevets relatifs au procédé de production du modafinil, était prête à entrer sur le marché du modafinil avec sa propre version générique et avait même commencé à vendre son générique au Royaume-Uni. Ensuite, elle a convenu avec Cephalon de mettre un terme à son entrée sur le marché et de ne pas contester les brevets de Cephalon.

L'enquête de la Commission a révélé que, pendant plusieurs années, cet accord «pay-for-delay» a éliminé Teva de la concurrence et a permis à Cephalon de continuer à facturer des prix élevés même si le brevet principal sur le modafinil avait expiré depuis longtemps.

Si, d'une manière générale, les règlements amiables en matière de brevets peuvent être légitimes, nous pensons que l'accord de règlement amiable conclu entre Teva et Cephalon ne l'était pas. Teva s'est engagée à rester en dehors des marchés du modafinil, non pas parce qu'elle était convaincue de la force des brevets de Cephalon, mais en raison de la valeur substantielle que cette dernière a transférée à Teva. Le transfert de valeur était principalement intégré dans un certain nombre d'accords commerciaux accessoires, auxquels Teva n'aurait pas adhéré sans s'engager à rester en dehors du marché.

Préjudice causé par les accords «pay-for-delay»

L'entrée de Teva, le concurrent générique le plus avancé au moment de la conclusion de l'accord de règlement amiable, ayant été retardée, Cephalon n'a pas subi la concurrence de médicaments moins chers. Sans l'accord de règlement amiable «pay-for-delay», Teva aurait pu entrer plus tôt sur le marché et aurait pu faire baisser les prix du modafinil.

L'entrée de génériques sur le marché entraîne une concurrence par les prix qui peut générer des baisses de prix allant jusqu'à 90 %. Lorsque Teva est entrée sur le marché britannique, pendant une courte période, en 2005, elle a effectivement proposé un prix inférieur de 50 % au prix du Provigil de Cephalon.

Le graphique ci-dessous illustre l'incidence négative des accords de règlement amiable pay-for-delay pour les patients et les systèmes de soins de santé. Le retard dans l'entrée des génériques sur le marché empêche les consommateurs et les systèmes de santé de bénéficier plus tôt de prix nettement plus bas. Avec les accords de règlement amiable «pay-for-delay», les entreprises partagent les bénéfices supplémentaires générés par l'absence de concurrence.

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Les accords «pay-for-delay» peuvent également avoir un effet négatif sur l'innovation. La concurrence des génériques encourage les entreprises pharmaceutiques à concentrer leurs efforts sur le développement de nouveaux médicaments plutôt que sur la maximisation des flux de revenus provenant de leurs anciens médicaments en préservant artificiellement l'exclusivité commerciale.

Amendes

Les amendes ont été fixées sur la base des lignes directrices de la Commission pour le calcul des amendes de 2006. En ce qui concerne le montant des amendes, la Commission a pris en compte, en particulier, la durée de l'infraction et sa gravité.

Comme dans d'autres affaires de «pay-for-delay», la méthode générale de calcul des amendes ne fonctionne pas pour les entreprises de génériques, car ces dernières ne réalisent, en vertu de l'accord restrictif, aucune vente avec le produit concerné. La Commission a donc infligé à Teva un montant fixe d'amende légèrement inférieur à celui infligé à Cephalon.

Les amendes infligées par la Commission à Teva et à Cephalon s'élèvent à 30 millions d'euros et 30.5 millions d'euros, respectivement, soit un montant total de 60.5 millions d'euros.

L'infraction a duré, pour la quasi-totalité des États membres de l'UE et des pays de l'EEE, de décembre 2005 à octobre 2011, lorsque Teva a acquis Cephalon et est devenue membre du même groupe.

Les amendes infligées aux entreprises qui violent les règles de concurrence de l'UE sont versées au budget général de l'UE. Ces sommes ne sont pas consacrées à des dépenses particulières, mais les contributions des États membres au budget de l'UE pour l'année suivante sont réduites en conséquence. Les amendes aident donc à financer l'UE et à réduire la charge qui pèse sur les contribuables.

Contexte du règlement amiable

Pour se défendre contre le lancement du modafinil par Teva au Royaume-Uni, Cephalon a intenté des actions en justice tirées de la violation de ses brevets secondaires sur le modafinil, alors qu'elle avait des doutes quant à la solidité de ces brevets. Teva pensait également que Cephalon était en position de faiblesse en matière de brevets.

Néanmoins, en 2005, les deux entreprises ont conclu l'accord de règlement amiable en matière de brevets. En échange, Teva a reçu des paiements en espèces et a obtenu un ensemble d'accords commerciaux accessoires. Il s'agissait notamment d'un accord de distribution, de l'acquisition d'une licence sur certains brevets de Teva sur le modafinil par Cephalon, d'achats de matières premières à Teva et de l'octroi par Cephalon d'un accès à des données cliniques très précieuses pour Teva pour un autre médicament. Il ressort de notre enquête qu'aucune de ces transactions n'aurait été conclue en l'absence d'accord de règlement amiable en matière de brevets, ou en tout cas pas aux conditions convenues par les entreprises.

En vertu de l'accord de règlement amiable, Teva aurait pu commencer, à compter d'octobre 2012, à vendre du modafinil générique sur la base d'une licence accordée par Cephalon, en échange de redevances importantes versées à cette dernière.

L'entrée limitée de Teva sous licence n'a finalement pas eu lieu, étant donné qu'en octobre 2011, Teva a acquis Cephalon.

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